Ultimes libations avant la fermeture définitive de l’Helvezia, le bistrot centenaire d’un vieux village du canton des Grisons. Les derniers habitués sont là ; on se plaint du réchauffement climatique, de la pluie incessante et des risques d’éboulement ; on asticote le coiffeur triste qui ne boit que de l’eau ; on rigole encore de l’enterrement du fossoyeur ; la patronne doit parfois tirer le cordon derrière le comptoir, pour actionner la chasse d’eau des toilettes ; on se souvient de ceux qui sont partis aux Amériques, de la fanfare qui descendait le Rhin sur une barque… C’est le troisième volet du « cycle grison » de l’écrivain suisse Arno Camenisch (Derrière la gare, NB décembre 2019). Une fois apprivoisés les idiomes, la ponctuation réduite et les dialogues intégrés à la narration, on est agrippé par le pittoresque truculent et souvent attendrissant des piliers de bar haut en couleur de l’Helvezia. Toute une communauté rurale sur le point de disparaître se remémore les grands et les petits moments de vies rudes que le temps qui passe fait apparaître héroïques à celui qui les raconte et à ceux qui l’écoutent. La traductrice Camille Luscher adapte avec virtuosité ce tableau rustique où se mêlent humour et tragédie quotidienne. (T.R. et M.D.)
Ustrinkata
CAMENISCH Arno