Vers la nuit

BUNISSET Isabelle

Meudon, 30 juin 1961. Le jour tombe, la mort s’installe au chevet de CĂ©line. La canicule, les souffrances l’accompagnent vers la nuit ; Lucette apporte des compresses fraĂźches, reporte les derniĂšres corrections sur le manuscrit de Rigodon que guigne le gros Gaston (Gallimard) ; chiens, chats, tortues, hĂ©rissons, perroquet circulent. Le mourant revoit tout : la guerre atroce et les blessures Ă  vie, les rivaux littĂ©raires, l’autre guerre et l’Occupation, l’exil, la prison, les amis, les ennemis, les Ă©chotiers avides. En mĂȘme temps, une vie d’écriture comme passion et comme fin.  Le soliloque semble couler de la bouche de « Ferdine », avec les trouvailles, la hargne, la musique qu’on lui connaĂźt. Mais est-ce du CĂ©line, repris en fragments amalgamĂ©s sur une autre trame ? Est-ce du Bunisset, si bien imprĂ©gnĂ©e des textes du maĂźtre que le flot cĂ©linien coule de sa plume ? Que devient le gĂ©nie ainsi imitĂ©? L’incertitude gĂȘne
 on l’oublie. On regarde, on entend le « croĂ»tard tout racorni », pitoyable et sublime, agonisant heure par heure, l’écrivain conscient de sa grandeur s’érigeant, dans sa complexitĂ©. Retors, geignard, odieux. Soldat hĂ©roĂŻque, mĂ©decin des pauvres, ami des animaux. Et surtout, prosateur rĂ©volutionnaire dont ce livre virtuose invite Ă  visiter les oeuvres
 authentiques. (M.W. et B.T.)