Vers l’azur infini

RIERA Carme

À Majorque, en 1688, la hiérarchie catholique s’acharne à débusquer ceux de ses fidèles qui, malgré la conversion forcée de leurs ancêtres juifs deux cents ans auparavant, continuent d’obéir à la loi de Moïse. Un jésuite, désireux de se faire apprécier, obtient un faux témoignage contre l’un d’eux. Redoutant l’Inquisition, cet homme décide, malgré l’interdiction qui en est faite à son peuple, de fuir secrètement avec des coreligionnaires vers Livourne. Le bateau est affrété mais… il ne part pas ; les conséquences sont tragiques. Carme Riera, elle-même Majorquine (La moitié de l’âme, NB mai 2006), relate un épisode véridique qui ensanglanta l’île. Elle reconstitue la vie difficile de ces « conversos » qui, parvenus parfois au sommet de la hiérarchie sociale, craignent sans cesse de trahir leur attachement à la religion juive. Ses personnages, truculents, généreux ou impressionnants par leur spiritualité, suscitent respect et tendresse et même les catholiques, hormis les hideux inquisiteurs, engendrent presque la sympathie par leurs petites intrigues. Bien documenté, vivant, d’une écriture agréable qui évoque l’île avec poésie, le roman met en scène, sans prétention à juger mais avec talent, une histoire douloureuse.