Vidures

DONIKIAN Denis

Dominée par le mont Ararat, aux portes d’Erevan, une immense décharge côtoie un cimetière. Des laissés-pour-compte fouillent sans relâche les ordures apportées par une noria de camions dans le dépotoir irrespirable où règnent Dro, son formidable tractopelle et ses cochons monstrueux nourris sur place. La parole circule aussi sans relâche entre Gam, qui a toujours caché sa situation à sa mère, la vieille Anna qui vient de mourir ; Roubo, le gardien du cimetière, lieu étrange où des produits toxiques refont surface ; une fragile adolescente ; trois féministes écologistes… En face, la police toute-puissante et brutale – et l’asile psychiatrique.

 

Vidures, roman multiforme, utilise chanson, théâtre, choeur antique, monologues intérieurs. C’est aussi une fable politique et contestataire qui s’en prend ouvertement et vigoureusement aux dirigeants arméniens et à leurs sbires. Génocide, indépendance et séisme de 1988 sont omniprésents. L’écriture rapide et saisissante, les images extrêmement fortes, le vocabulaire riche et inventif prennent à la gorge. La révolte – même désespérée – vit dans la parole, rude, efficace, et non sans humour : à ceux qui ont tout perdu et qu’on dépouille encore, il reste les mots pour le dire. Une fable puissante et universelle.