Le parcours d’Isidore Ducasse, dit Lautréamont, reste énigmatique malgré d’ardentes recherches. Il naît à Montevideo en 1846, sa mère meurt quelques mois plus tard, peut-être suicidée. Ses parents sont français, le père travaille au consulat. À treize ans, Isidore est envoyé au collège en France, passe son baccalauréat et s’installe à Paris où il écrit Les Chants de Maldoror et quelques poésies qu’il parvient à faire éditer. Il meurt à vingt-quatre ans, sans qu’on sache la cause du décès, alors que Paris est assiégé par les Prussiens.
Utilisant les textes de Ducasse et les rares documents le concernant, Camille Brunel imagine qu’une caméra suit le poète, d’Uruguay jusqu’à sa mort, et décrit le film se faisant. Faire penser le poète, le regarder vivre à travers une caméra, transposer l’image à l’écrit avec ses propres mots en y mêlant ceux de Ducasse : le procédé paraît bien hardi. Mais Bachelard n’a-t-il pas parlé à propos du poète d’une analyse à faire en images cinétiques ? Et cette vie dramatique, exotique, mystérieuse, cette oeuvre flamboyante et cruelle, aux descriptions obsessionnelles, facilitent une transcription qui fonctionne presque toujours bien et dans laquelle Camille Brunel, comédienne, écrivain, s’est investie avec passion, originalité et talent.