Pendant la Grande Guerre, les asiles de la région parisienne subirent l’afflux des traumatisés des combats. Se joignaient à cette foule tous ceux dont l’état mental aurait pu justifier la dispense de service, mais qu’une loi poussait, voire renvoyait après contrôle médical, vers le front. Tel Emile, un breton, ancien de la guerre des Boxers. Mais pour lui ce n’est plus l’aventure, c’est juste la guerre. Les obus tombent. Il se découvre le seul survivant. Dès lors, de rémissions en rechutes, d’hôpital en asile, il décline. Son aventure est le fil conducteur d’un effrayant parcours dans l’aliénation qui lui fait croiser une quinzaine de cas tout aussi tragiques : ces ‘’anormaux’’ furent très mal soignés par les ‘’normaux’.
Chercheur en histoire, Hubert Beiser a longuement compulsé les archives de Ville Evrard pour donner corps, via les scénaristes Le Gal et Morvan et une quinzaine de dessinateurs, sous forme de récits emboités, à de froids comptes rendus administratifs et à d’émouvantes correspondances. L’unique tragédie de la guerre et la commune cruauté des destins font l’unité de l’ouvrage, tandis que la diversité du trait – tour à tour vigoureux, poétique, caricatural, etc.- traduit celle des personnages. Tous véridiques, ils sont d’une pathétique humanité. Un témoignage précis et émouvant sur un aspect peu connu du conflit.