Zooptique. Imagine ce que les animaux voient

DUPRAT Guillaume

Votre chien est daltonien, votre chat, myope, le pigeon que vous croyez effaroucher sur le trottoir vous voit venir de loin sur le côté ! Combien savent que la bécasse voit dans son dos, que les yeux du caméléon roulent chacun pour soi, que l’abeille a cinq yeux si on compte ses trois ocelles ? L’acuité visuelle de l’aigle est légendaire ; qui connaît, en revanche, les piètres performances de l’escargot ou, pire encore, celles du ver de terre ?Dans ce cabinet des curiosités animales où l’oeil est roi, Guillaume Duprat propose une étonnante expérience : chaussant les lunettes du cheval, du colibri, de la tortue ou du papillon, à notre grand étonnement, nous voyons le monde… autrement. Pour que ce soit probant, la même scène est soumise au regard de vingt-cinq représentants notoires du règne animal. La vision de chacun est étalonnée par rapport  à la nôtre, en des comparaisons lumineuses.

La composition est astucieuse : l’image-test, donnée d’entrée sur une page dépliante, reste constamment à portée. Puis, en pleine page, l’animal observé, regardant de tous ses yeux droit devant lui, introduit le chapitre qui lui est consacré. Des rabats ménagent, à ce niveau, l’effet de surprise ; on soulève pour suivre son regard. L’ouvrage se termine sur un « tableau impossible » qui superpose, en une même composition, ce que chacun des « cobayes » peut voir. Ici, plus de flou ni d’angle mort ! Le sommaire, enfin récapitule, en images, les compétences révélées.

La rigueur scientifique de l’observation et de l’explication ne le cède pas au plaisir du sensationnel : les critères de comparaison présentés au début de l’ouvrage – champ et acuité visuels, perception de la couleur et du mouvement, identifiés par des pictogrammes, sont repris tout au long du livre. Deux schémas clairs aident à comprendre le fonctionnement de l’appareil optique et sa connexion  avec le cerveau : des informations essentielles en un langage accessible aux béotiens.

Confronté à la diversité naturelle, le lecteur est incité à réfléchir au-delà : on il apprend, au fil des pages, que la vue n’est pas indépendante des autres sens, ni du mode de vie de chaque espèce : contraintes alimentaires, situation de proie ou de prédateur. Là encore, pas de « leçon de biologie ou d’éthologie » mais le souci de l’information : chaque chapitre s’ouvre sur un texte court qui fait voir clair sur l’adaptation de l’animal à son milieu.

Il y a place enfin, après l’étonnement, pour l’émerveillement : devant la beauté de tous ces yeux et le regard mosaïque des abeilles qui modifie si joliment la couleur des fleurs et l’agencement du paysage ! La science ne chasse pas la poésie.